Fragments neufs

Chapitre 5

A côté de la vieille Ville, détruite lors du Grand Mouvement et interdite d’accès par le Pouvoir, vit Georg, le gardien des lieux. Vieil homme taciturne et solitaire dont la seule occupation consiste à récupérer les vestiges de cette civilisation détruite que la terre rend peu à peu. Il entasse ces morceaux, ces tessons, ces traces que tous oublient, trop occupés par cette guerre qui les oppose aux cadrieux. Un jour pourtant Kilime, une jeune scientifique nommée par le Pouvoir pour effectuer un certain nombre de tests, vient perturber la petite vie tranquille de Georg

Est-elle là pour le surveiller, le dénoncer comme le vieil homme semble d’abord le penser ? Comprendra-t-elle son obsession pour le passé, elle qui vit dans ce monde tourné vers l’avenir ? Se rencontreront-ils ceux-là que tout oppose, coincés aux portes de la Ville fantôme ?

Cette pièce a reçu l’aide à l’écriture de l’Association Beaumarchais et l’aide à la création (automne 2007) du Centre National du Théâtre.
Publiée aux Editions Théâtrales

Personnages : 2 hommes et une femme

Extrait

3ème partie, scène 1

Georg – J’étais seul et c’était bien. J’étais seul et personne ne pouvait m’atteindre. Rien ne m’atteindrait plus jamais. On en était là, moi et mes souvenirs. Sûrement morts. Et c’était si simple. Ma dune, ma malle, mon Lac Sec, mes vieux pneus. Des souvenirs à garder précieusement, à l’abri du temps qui avait déjà trop glissé sur nous. Et puis la primo-faille que je pouvais sentir d’ici. Les cris qui résonnent encore. Quand le vent souffle dans la bonne direction. Les souvenirs qu’ils veulent nous enlever. Et le futur qu’ils veulent fossiliser. J’étais seul avec le temps qui passait. Sans prise, sans aspérité, sans émotion. (Georg se retourne vers l’ermite) Qui n’est pas mort le jour du Grand Mouvement ? Quand tout  tremblait autour de nous et que nos coeurs se sont arrêtés avec le grondement du sol. Nos vies ont disparu dans le gouffre qui s’est ouvert. Le Lac Sec a tout effacé sous des kilos de terre salée par notre sang. Qu’est-ce qu’il nous reste d’avant ce jour ? Tu te rappelles les sourires, les larmes et les colères d’avant. Ce qui nous faisait vivant. Tu te rappelles les tables qu’on dressait, les bus qu’on attendait et les volets qu’on fermait ? Je me souviens des morceaux de verre poli par les vagues qu’on trouvait dans le sable, des listes de courses qu’on ne suivait jamais, de l’aiguille des secondes qui n’allait pas à la bonne vitesse. Un cil sur la joue collé par une larme, un morceau de pain grignoté sur la route, une chanson, la peur de la nuit et d’être laissé tout seul. Vieillir et laisser faire. Mourir, c’était simple. Alors mourir avec tous les autres, le jour où la terre a tremblé, c’était la chose à faire. Mourir et être seul. Rester seul (Silence)J’en ai assez d’être mort.

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