1ère séance Lab_écriture au Collège Jules Verne des Mureaux

A 9h45 ce matin (la faute à la SNCF) on lançait la première séance du Lab_écriture avec la classe de 4èmes 1 du Collège Jules Verne des Mureaux. Un chouette projet qui a embarqué plein de monde, des éditions Théâtrales à la Bibliothèque départementale des Yvelines, de la DAAC des Yvelines à la médiathèque des Mureaux, de l’équipe du Collège des Mureaux aux élèves…

C’est quoi ce projet ?

C’est un projet sur l’année scolaire 2015-2016 qui consistera, pour les élèves, avec mon aide, à partir d’une des nouvelles qu’ils ont étudiée avec leur professeur de Français pour en tirer une petite pièce transposée de nos jours où les personnages pourront communiquer avec les réseaux sociaux. Une fois ces pièces écrites, les élèves les liront ou joueront lors d’une restitution publique au Pôle Molière, fin mai 2016.

De mon côté, j’écrirai aussi. Quoi, pour le moment mystère ! je me prêterai peut-être moi-aussi au jeu de la transposition, ou bien toute autre chose en fonction de ce qu’ils m’inspireront lors de nos séances. A voir, à écrire, à lire plus tard…

Et alors cette 1ère séance ?

On s’est d’abord parlé. On s’est présenté. 17 prénoms à retenir de mon côté, un seul pour eux mais remplacer le « madame » par « Marine » n’est pas toujours si simple ! On a parlé « théâtre », de ce qui faisait un texte de ces guillemets par rapport à une nouvelle ou un roman, on a dit des grands mots comme « didascalie », « choeur », « metteur en scène ». On s’est demandé s’il y en avait beaucoup, des auteurs vivants.

Alors pour y répondre, on a sorti des textes qu’on a lus à haute voix. L’enfant aux cheveux blancs de Dominique Richard, Le Journal de la Middle Class occidentale de Sylvain Levey. Une petite scène des Passagers. On avait aussi prévu un petit bout d’Azote et fertilisants de Ronan Mancec et d’A chaque étage on voit la mer de Claire Rengade mais on n’a pas eu le temps. C’est passé bien trop vite. On les lira la prochaine fois, ces mots d’auteurs vivants qu’on ne connaissait pas mais qui nous ont fait rire, nous ont intrigués, nous ont parlé du monde.

Et puis la prochaine fois, on écrira aussi, à partir de ces textes pour voir quelle place on peut se faire dans les pages des pièces de théâtre d’aujourd’hui.

Ça commence bien, donc, moi j’ai hâte que ça continue. Si ça vous dit de nous suivre, revenez par ici ou traînez de temps en temps sur Twitter #Lab_écriture.

Prochaine séance le 5 novembre mais d’ici là, on réfléchit, on lit, on se prépare !

Actualités 2ème trimestre 2015

13 juin 2015 à partir de 14h – Signature de l’anthologie la Cour des Miracles à la librairie La dimension du fantastique au 106 Rue la Fayette, 75010 Paris

1er juin 2015 – Participation au Rendez-vous avec les écritures théâtrales Jeunesse à la Cour des 3 Coquins à Clermont-Ferrand
De 15h à 17h : Table ronde réunissant : des artistes (metteurs en scène, comédiens, auteurs), des structures (compagnies, théâtres, médiathèques, établissements scolaires, centre socioculturels…) et des institutions pour échanger et partager sur la façon dont on fait une place aux auteurs et à l’écrit dans la rencontre à établir entre le théâtre contemporain et les adolescents. Ensemble nous chercherons comment construire le futur – Quelle sera la place des auteurs et celle des artistes dans cette construction ? Comment imaginer un futur avec des ados qui lisent et qui écrivent ?
18h : Annonce officielle de la labellisation du Théâtre du Pélican en Centre de création et d’éducation artistique pour l’adolescence et la jeunesse.
A partir de 18h30 : Témoignages artistiques et lectures

Avril 2015 – Ouverture des votes pour la nouvelle La Nuit d’Angus dans l’anthologie La Cour des Miracles, collection Mille Saisons (Editions le Grimoire)
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A quoi ça sert, l’Imaginaire ?

Ben oui, à quoi ça sert ?

Dans notre monde qui va bien, si bien, tellement bien qu’on se passionne plus pour un petit bout de royauté encagoulé plutôt que pour des enfants, des femmes, des hommes, heurtés par leurs morceaux de terre en mouvement.
Alors que la planète respire l’air qu’on lui souffle dans les bronches sans pouvoir trop broncher et que nos sols s’en vont accueillir les petites graines modifiées pour produire plus (à défaut de mieux).
Alors qu’on est ensemble, tous ensemble, les uns avec les autres, les uns pour les autres un jour et puis le lendemain, on oublie celui avec qui on a marché parce que celui-là est un autre trop différent de soi pour être bien honnête.
Alors que l’argent est devenu valeur et qu’il compte plus que ceux qui le produise.

Ben oui, à quoi ça sert, les mondes à inventer qui, même s’ils semblent s’en éloigner prennent racines dans celui qui supporte nos pieds ? Ces mondes qui pointent de la sphère les excès, les dérives, les oublis ?

A quoi ça sert, les personnages ? les héros ? Ceux qui oublient leur petit soi pour sauver un grand eux ? Ceux qui se perdent dans leurs quêtes, qui doutent, qui échouent, qui rebondissent, qui dépassent, surpassent, trépassent pour que l’histoire avance ?

A quoi ça sert, les histoires ?
A quoi ça sert, l’Imaginaire ?
C’est tellement loin de nous, de nos vies, de notre monde ? C’est tellement improbable, invraisemblable, abstrait…

Ou alors… non… hein ? ça sert à rien. C’est sûr, une perte de temps de plonger dans les dystopies que quelques illuminés ont couché sur papier. Et puis les histoires d’élus qui sauvent les mondes, on a déjà donné, on n’y croit plus. On sait bien que notre monde à nous n’a pas besoin de héros. Il n’a besoin de rien, le monde, il va bien comme il est, hein ?

Hein ?

 

 

La Cour des Miracles (Prix Mille Saisons) est en vente et les votes sont ouverts, au cas où vous voudriez quand même lire de l’Imaginaire !

 

C’est ma terre

Francis est debout au centre d’un cercle d’un mètre cinquante de diamètre environ, délimité par une trace creusée dans le sol.

Kadi s’approche. Aussitôt Francis sort un pistolet et le braque sur Kadi.

Francis – T’approche pas. (Kadi s’arrête) C’est chez moi ici, t’as rien à foutre là. (Kadi fait un pas vers Francis) Bouge pas ! Qu’est-ce que je t’ai dit. Si t’avances encore, je te plombe, compris ? (Kadi hoche la tête) Qu’est-ce que tu fous là d’abord ? C’est où chez toi ?
Kadi – C’est plus nulle part.
Francis – T’es là pour me voler ma terre ? je le savais ! Bouge pas ! Ici, c’est chez moi, c’est ma terre, j’y suis né. Mon père y est né. Mon grand-père aussi. Mon fils y naîtra. Y a de la place pour personne d’autre. Et surtout pas toi. Dégage ! Trouve toi une autre terre.
Kadi – Y en a plus d’autre. Elles sont toutes occupées. Où je peux aller, moi ?
Francis – C’est pas mon problème. T’avais qu’à pas quitter ta terre !
Kadi – Ma terre, elle était morte, rongée par le sel et le vent, elle a tué mon père et mon grand-père. Je ne veux pas qu’elle tue mon fils aussi. Alors je suis partie.
Francis – T’es partie mais pour où ? Pour nulle part. Tu vas faire quoi maintenant ? Errer toute ta vie, à la recherche d’une terre libre ? Il va vivre où ton fils ? Il va mourir sans terre, c’est tout.
Kadi – Je peux me mettre là.

Francis baisse son arme.

Francis – Où ça, là ?
Kadi – Juste ici. (Kadi trace un cercle dans le sol autour de ses pieds. Il touche presque le cercle de Francis) Il n’y a personne.
Francis – C’est trop près. Tu n’as pas le droit. Les terres doivent être séparées les unes des autres par une distance équivalente à une terre.
Kadi – Qui a dit ça ?
Francis – Tout le monde.
Kadi – Alors le monde n’a qu’à m’en empêcher. Moi, je m’installe.

Kadi s’assied au centre de son cercle.

Francis – NON ! tu ne peux pas faire ça ! Tu n’as pas le droit.
Kadi – Ici, mon fils vivra bien. La terre est fertile. Le ciel apaisé.
Francis – Non, j’ai dit non !

Il braque à nouveau son arme sur Kadi.

Kadi – Tu vas me tuer ? Pour une terre qui n’est même pas à toi ? Mon cadavre te dérangera plus que moi maintenant. Morte, j’attirerai les mouches et les hyènes. J’empoisonnerai l’air et la terre. Il te faudra partir toi aussi à la recherche d’une terre libre. Laisse-moi vivre là. Je ne t’embêterai pas. Je ne ferai pas de bruit. Promis.

Kadi tend la main vers Francis. Francis braque toujours son arme vers Kadi.

Francis – Qui me dit que tu ne vas pas en profiter quand je dormirai pour me voler ma terre ?
Kadi – Celle que j’ai me suffit.
Francis – Ça ne suffit jamais.
Kadi – Tu vas devoir me faire confiance.
Francis – Pourquoi je ferais ça ? je ne te connais pas.
Kadi – Je peux te raconter qui je suis.
Francis – Qu’est-ce que ça peut me faire de savoir qui tu es ?
Kadi – Ça ne te fera pas de mal, en tout cas.

Un temps. Kadi lui fait signe de s’asseoir aussi. Francis regarde autour de lui. Il hésite un instant puis se décide à ranger son pistolet et à s’asseoir face à Kadi.

Francis – Alors ?
Kadi – Il était une fois…
Francis – Eh !
Kadi – Quoi ?
Francis – C’est quoi, cette histoire ? Ça commence comme un conte de fée.
Kadi – Je te la raconte ou pas ? (Francis acquiesce de la tête) Bon. Il était un fois une petite fille et sa maman qui vivaient sur une terre perdue au milieu d’un désert. Tout était loin de cette terre. Les voisins étaient loin. L’eau était loin. La nourriture aussi. Mais elles étaient toutes les deux nées là, comme leur père et leur grand-père. C’était leur terre de famille. Pourtant chaque jour quand la petite fille se réveillait, il lui semblait que leur terre avait rapetissé. Comme si chaque nuit, un petit animal venait la grignoter. Un nuit, la petite fille, sans rien dire à sa maman resta éveillée pour voir ce qui se passait. Au milieu de la nuit, quand tout dormait autour d’elle, la petite fille blottie contre sa maman endormie, observait la terre et les étoiles mais rien ne se passa.  Seulement le jour suivant, leur terre était encore plus petite qu’avant. La petite fille s’en inquiéta mais sa maman lui dit « mais non, notre terre est toujours pareil, ne t’en fais pas. » Et toutes les nuits d’après, la petite fille veillait sans rien voir et tous les matins suivants, sa maman tentait de la rassurer. Mais la terre était toujours de plus en plus petite pour la petite fille. Quand soudain, un matin, la terre était devenue si petite qu’il n’y avait plus de place pour deux. « Maman, regarde, la terre est trop petite pour nous deux » dit la petite fille. Alors la maman lui caressa le front. «  Non, ma chérie, ce n’est pas la terre qui est trop petite, c’est juste toi qui a grandi. »
Francis – Alors tu es partie.
Kadi – Qui te dit que c’était moi ?
Francis – Tu devais me raconter ton histoire.
Kadi – Mon histoire est celle de tout le monde.
Francis – Ça ne me dit pas qui tu es.
Kadi – Je croyais que ça ne t’intéressait pas.
Francis – Ça m’occupera.
Kadi – Tu t’ennuies ?
Francis – Regarde autour de toi. A part protéger ma terre, je peux faire quoi ici ? Dormir ou faire le guet. C’est tout ce qu’il y a à faire.
Kadi – Et là, tu n’as pas sommeil ?

Francis hausse les épaules.

Francis – Toi oui ?
Kadi – J’ai beaucoup marché, je suis fatiguée. Je te raconterai qui je suis demain. Bonne nuit.

Kadi se pelotonne au centre de son cercle. Francis la regarde un instant avant de se coucher à son tour en boule.

Francis – Bonne nuit.

Silence. La nuit est tombée. Francis dort. Doucement Kadi redresse la tête. Francis ne se réveille pas. Kadi se relève doucement et s’approche du cercle de Francis. Sans bruit, elle efface les limites de leur cercle respectif et les joint. Puis se recouche et s’endort.

Le jour se lève. Francis se réveille en premier, baille, s’étire. Soudain il voit que les deux cercles sont à présent réunis. Il se précipite sur Kadi et la secoue, son arme à la main.

Francis – Eh !
Kadi, (baillant) – Quoi ? Qu’est-ce que tu fais là ? C’est chez moi ici.
Francis – Regarde !

Kadi se frotte les yeux et regarde les cercles joints que lui montre Francis.

Kadi – Qu’est-ce que tu as fait ?
Francis – Moi ? Tu crois que c’est moi qui ai fait ça ?
Kadi – Tu veux que ce soit qui d’autre ?

Francis, interloqué, regarde Kadi.

Francis – Et ben, toi !
Kadi – Ne sois pas bête, je me suis endormie la première. Alors que toi…
Francis – Moi ? je me suis endormi en même temps.
Kadi – Pourquoi je devrais te croire ? Tu es peut-être resté à faire le guet et puis quand tu en as eu marre, tu es venu agrandir ta terre pendant que je dormais. Mais ça ne servira à rien, ici, c’est chez moi et je ne partirai pas, voleur de terre !

Francis regarde autour de lui sans comprendre.

Francis – Mais…
Kadi – Voleur de terre ! Voleur de terre ! Voleur de terre !
Francis – Chut ! tais-toi ! Ils vont t’entendre…
Kadi – J’espère bien qu’ils vont m’entendre ! Voleur… attends, qui va m’entendre ?
Francis – La police de la Terre. Ceux qui décident qui a le droit à une terre et ce qu’on a le droit d’y faire. Ils n’aiment pas beaucoup les voleurs de terre.
Kadi – Ils leur font quoi aux voleurs de terre ?
Francis – Ils les enferment sous terre.
Kadi – Ouais.
Francis – Et ils leur coupent les mains pour qu’ils ne puissent plus jamais voler une terre et les pieds pour qu’ils ne puissent plus jamais fouler la terre.
Kadi – C’est moche.
Francis – Ouais.

Un temps. Kadi regarde Francis.

Kadi – Alors on fait quoi ?
Francis – J’en sais rien.
Kadi – Avec cette terre en commun ?

Un temps.

Francis – On pourrait la partager ?
Kadi – On pourrait.

Francis longe les limites de la terre.

Francis –  Ça en fait de la place.
Kadi – Ouais.
Francis – C’est un peu comme dans ton histoire mais à l’envers. Cette nuit, la terre s’est agrandie.
Kadi – Ou alors, on a rapetissé.
Francis – Ouais.

Kadi tend la main à Francis.

Kadi – Je m’appelle Kadi.

Francis serre la main de Kadi.

Francis – Et moi, Francis.
Kadi – Bonjour Francis.
Francis – Bonjour Kadi.

 

Fin.

Désert au Maroc

Bernard Gagnon via Picturalium

 

(Pièce courte écrite suite à un appel à textes pour les Veilles Théâtrales 2015 de Baguida au Togo sur le thème TerreS)